Accepter de se tromper, pour apprendre et évoluer

 

 

 

Récemment, j'ai été appelée pour aider des propriétaires à enseigner les « bonnes manières » à des pouliches (1 et 2 ans). L'une est un « poulain maison », née chez mon élève, l'autre, une pouliche un peu plus âgée a été achetée il y a peu de temps, et vient d'un endroit où elle manquait de limites et faisait ce qu'elle voulait. Ces deux jeunes femmes ont déjà des chevaux qui n'avaient rien de facile au départ, et avec lesquels elles ont construit de belles relations.

 

 

 

La première chose que m'ont dit mes élèves quand on a commencé à discuter de leurs attentes, c'est « je ne veux pas faire de bêtises avec elle ».

 

Sous-entendu, comme elle est jeune, si je fais des erreurs en la manipulant, elle va tout retenir et devenir horrible, mal éduquée, dangereuse etc.

 

 

 

En soit, ce n'est pas faux : si vous laissez 50 fois votre poulain (ou cheval) arracher la longe, il va apprendre à le faire. Et cela concerne la totalité de ses apprentissages tout au long de sa vie : le cheval va faire ce qui est le plus confortable pour lui à l'instant T.

 

 

 

Exemple : je veux apprendre à un poulain à donner les pieds. Il me donne le pied, puis l'enlève brusquement. Si je le laisse m'arracher son pied à chaque fois, il y a de fortes chances pour qu'il le fasse de plus en plus fort à chaque fois, et que j'aie beaucoup de mal à garder son pied quand je veux le prendre.

 

La logique veut donc qu'on évite d'apprendre au poulain d'arracher, en gardant son pied en l'air et en le reposant nous-même, puis en allongeant de plus en plus la durée de prise du pied. On obtient donc un cheval qui donne bien ses pieds, car on l'a habitué à le faire.

 

 

Mais cela veut-il dire pour autant que si il arrache le pied, 1, 2 ou 10 fois il sera impossible de lui apprendre à le faire correctement ? Et d'abord, pourquoi est-ce qu'il arrache son pied ?

 

 

 

Les « couacs éducatifs» ne sont à mon avis pas à éviter à tout prix (et c'est impossible). Ils permettent de comprendre l'individu qu'on a en face de nous, et de nous adapter à lui. On se demande bien trop rarement pourquoi ? Pourquoi il a arraché son pied au parage, pourquoi il a tiré sur sa longe ? C'est peut-être un manque de préparation, en effet. Mais chaque cheval a un seuil de tolérance différent, un ressenti différent, un schéma corporel et des difficultés / douleurs différentes aussi.

 

 

 

 

Pour moi un cheval, comme un enfant, doit être vivant et s'exprimer. Cela n'empêche pas de lui apprendre des règles de vie, de sécurité qui sont primordiales. On n'est pas obligé de tout tolérer sous prétexte que l'autre a le droit de s'exprimer.

 

 

 

Aujourd'hui, on utilise nos chevaux de loisir pour faire des activités sympas avec eux, partager des moments ensemble. On veut un ami. Ce n'est plus "un" cheval, c'est un être qu'on aime pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il pourrait devenir. Si votre rêve c'est modeler un cheval pour qu'il colle à 100% à vos désirs, achetez plutôt une mobylette, vous ne serez pas déçus par sa personnalité, et vous éviterez de briser un cheval au passage, qui lui veut bien qu'on le prenne pour un individu sensible et pas pour un jouet ou un faire-valoir.

 

 

 

On arrive là au problème de mes élèves : il faut que le poulain soit « bien éduqué », qu'il sache faire ci et ça et ça à tel âge sinon on nous a dit que c'était mal etc. On part du principe que le plus important c'est le comportement et les réactions que le poulain va avoir lors des moments où on va lui demander quelque chose.

 

Et il faut que ça marche !!! Sinon il va devenir un danger public et vous aurez l'étiquette d'incompétent pour la vie. Surtout que quand on essaye de faire ci ou ça, il réagit d'une manière inattendue, ou s'oppose (CQFD : viteeeee il faut cadrer tout ça !!!).

 

 

 

En réalité : c'est faux. Vos chevaux ne sont pas stupides, même jeunes. Certes ils n'ont pas fini de mûrir et font parfois des expériences dont on se passerait bien (avec ou sans vous d'ailleurs). Mais ils sont comme n'importe quels jeunes de n'importe qu'elle espèce, pour apprendre ils ont besoin d'expérimenter. Et l'apprentissage passe par l'erreur, souvent (toujours?).

 

Ce qui est sûr, ce qu'ils ne sont pas diaboliques et que leur but dans la vie n'est pas de vous marcher sur les pieds / arracher la longe / bousculer 24h/24. Ils apprennent juste comment vivre avec un bipède, comme vous vous apprenez à vivre avec eux quadrupèdes.

 

 

 

Vous aussi vous allez faire des erreurs. Vous allez peut-être être en danger, ou votre poulain (cheval ça marche aussi).

 

Mais, scoop ! C'est comme ça qu'on apprend. Oui certaines erreurs sont dramatiques, je ne les minimise pas. Donc à vous de réfléchir avant de faire les choses, aux conséquences de vos actes / choix avec votre cheval.

 

 

 

Certes, je ne conseillerai pas à un débutant complet d'acheter un poulain d'un an et de faire ses armes avec lui. Mais ce genre de choses arrive, et quand c'est le cas, et qu'on me demande de l'aide, parce qu'on se pose des questions et qu'on veut bien faire, il n'y a aucun jugement à avoir.

D'un, ce n'est pas d'avoir galop +1000 au poney club du coin qui vous aura appris comment on éduque.

De deux, même si il vaut mieux faire ce choix de façon responsable, réfléchie et raisonnable, parfois c'est le coeur qui parle et choisit.

Et de trois, si il y a bien une chose dont je suis sûre, c'est que la compétence s'acquiert avec du temps, du travail, et de la réflexion. J'ai vu des "débutants" avoir un meilleur sens du cheval qu'un bon nombre de professionnels. Leur différence c'est qu'ils aiment leur cheval, veulent bien faire, et qu'ils n'ont pas d'à-priori, contrairement aux autres qui sont persuadés que leur moule est le meilleur pour rentrer un cheval dedans, parskonleuradifofaircomçaépicétout.

 

Il n'y a pas de vérité absolue. Tout est une question de nuances, de vous et de lui.

 

 

 

Dès que vous aurez à éduquer un autre individu (demandez aux jeunes parents...) vous trouverez toujours quelqu'un pour ramener sa science et dire que lui il n'aurait "pas fait comme ça", ou que « hanlala ça va mal finir ». Et votre perception de l'éducation idéale va changer ! Car l'éducation idéale n'existe pas, comme avec les enfants en fait...

 

 

 

Le plus important dans tout ça, c'est VOTRE RESSENTI. Comment vous vous sentez à l'instant T, qu'est-ce qui vous inspire, comment vous sentez l'autre en face de vous. Et c'est tout !

 

 

 

Votre responsabilité (et pas des moindres quand même), c'est d'apprendre le comportement de l'individu en face, ses possibles réactions, ses besoins, pour préparer vos interactions et être en sécurité. C'est là qu'un apport extérieur (théorique ou professionnel) peut être utile.

 

 

Pour le reste, vous allez faire vos expériences ! Et faire plein d'erreurs, mais c'est ça qui vous permettra de former un couple qui se connaît et s'apprécie, car chacun connaît les limites de l'autre. C'est la seule limite qui compte. Personne d'autre ne peut prétendre les connaître pour vous.

 

Signé : une enseignante qui préfère voir ses élèves expérimenter leur ressenti et leur pratique plutôt que culpabiliser !